Sainte-Claire Vevey Réformation protestante – Solus Christus, sola scripture (Armin Kressmann)

Comment représenter la foi protestante réformée ? Selon la tradition une entreprise impossible : autrement que par l’incarnation, la Parole ne peut pas être rendue visible. Toute autre représentation risque l’idolâtrie ; le protestantisme, notamment réformée, est iconoclaste. Cependant, deux petites installations actuellement présentées à l’église Sainte-Claire à Vevey y parviennent : « Solus Christus, sola scriptura – La parole crucifiée » et « La croix en personne ». La première œuvre est très simple, juste une bible clouée sur la parois. Mais pas n’importe quelle bible : c’est ma bible de travail quand j’étais étudiant en théologie dans les années huitante à l’université de Lausanne. La seconde œuvre est composée de trois dessins reprenant d’une manière très stylisée la mandorle de l’Église évangélique réformée du canton Vaud (EERV) d’antan, la colombe du saint Esprit plongeant dans la coupe de la sainte cène, formant avec les deux mots « Qui » et « moi » une croix. Plus limpide ne se laisse pas résumer la foi chrétienne ; là où la parole peine. Imagination productrice dirait Paul Ricoeur (L’imagination, Seuil 2024).

Armin Kressmann 2025

Sainte-Claire Vevey – Solus Christus – Sola scriptura ; exposition pour le Dimanche de la Réformation EERV (Armin Kressmann)

Dimanche 2 novembre 2025, puis tout au long du mois de novembre

Notre monde est en souffrance. Des guerres, des violences, la haine, des injustices, des discriminations, des abus, des maltraitances, des exclusions, des calomnies, des persécutions, la pauvreté, la faim et les famines, des pollutions, des excès, tout ce que l’homme impose à l’homme, à toute autre créature et à la nature. Et ne parlons pas des catastrophes naturelles, des maladies, des handicaps et des peines dont l’origine nous échappe souvent.

La croix en est un signe universel.

Elle nous renvoie à l’essentiel, quelle que soit notre foi. Mystère, de la vie et de la mort.

Le christianisme protestant l’exprime à sa manière et le dimanche de la Réformation, le 2 novembre en cette année 2025, est une occasion d’y réfléchir.

Solus Christus – sola scriptura

Les principes ou fondamentaux de la Réformation protestante

(encyclopédie Wikipédia adaptée)

Christ seul (solus Christus)
La foi n’est pas une œuvre, mais la communion avec Dieu en Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme.

La Bible seule (sola scriptura)
La Bible (Ancien et Nouveau Testaments) est l’autorité souveraine en matière de foi et de vie.

La foi seule (sola fide)
La foi naît de la rencontre de l’être humain avec Dieu.

La grâce seule (sola gratia)
La grâce est l’amour gratuit de Dieu pour l’humanité, pleinement accompli et manifesté en Jésus-Christ. Indépendamment de ses mérites, l’être humain est déjà sauvé dans la foi en lui. Cette confiance de Dieu le rend responsable. Ainsi aimé, l’homme est apte à aimer son prochain.

À Dieu seul la gloire (soli Deo gloria)
Rien n’est sacré ou absolu en dehors de Dieu unique et créateur.

Des Églises toujours à réformer (ecclesia semper reformanda)
Les Églises rassemblent, par la prédication, le baptême et la cène, tous celles et ceux qui se reconnaissent dans le Dieu de Jésus-Christ. Elles ne servent pas d’intermédiaires entre les fidèles et Dieu (il n’y a pas de prêtres). Elles non plus ne sont ni sacrées ni absolues. Communautés humaines, elles évoluent sans cesse au rythme de l’humanité et doivent toujours se confronter à nouveau à la Parole de Dieu à travers leur lecture de la Bible.

Le sacerdoce universel des croyants
La prêtrise du Christ est unique et non transmissible, sinon à tous. Chaque baptisé.e a sa propre place dans l’Église (selon ses dons ou charismes) ; la ou le pasteur.e (ou diacre) n’est pas un personnage au-dessus des autres, ni plus près de Dieu, mais celle ou celui à qui sa vocation et sa formation théologique permettent, au nom de la communauté, d’animer celle-ci par la Parole de Dieu. Le témoignage de la foi et de l’engagement dans le monde est donc la mission de tous les membres de l’Église.

Antoine Nouis sur Regards protestants

La Réforme et la Bible – André Gounelle

Les limites de la tolérance

“Prenant la parole, Jean lui dit : « Maître, nous avons vu quelqu’un qui chassait les démons en ton nom et nous avons cherché à l’empêcher, parce qu’il ne te suit pas avec nous. » Mais Jésus dit : « Ne l’empêchez pas, car celui qui n’est pas contre vous est pour vous. »” (Luc 9,49-50 TOB)

“Jésus chassait un démon muet. Or, une fois le démon sorti, le muet se mit à parler et les foules s’émerveillèrent. Mais quelques-uns d’entre eux dirent : « C’est par Béelzéboul, le chef des démons, qu’il chasse les démons. » D’autres, pour le mettre à l’épreuve, réclamaient de lui un signe qui vienne du ciel. Mais lui, connaissant leurs réflexions, leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine et les maisons s’y écroulent l’une sur l’autre. Si Satan aussi est divisé contre lui-même, comment son royaume se maintiendra-t-il ? …  puisque vous dites que c’est par Béelzéboul que je chasse les démons. Et si c’est par Béelzéboul que moi, je chasse les démons, vos disciples, par qui les chassent-ils ? Ils seront donc eux-mêmes vos juges. Mais si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, alors le Règne de Dieu vient de vous atteindre. Quand l’homme fort avec ses armes garde son palais, ce qui lui appartient est en sécurité. Mais que survienne un plus fort qui triomphe de lui, il lui prend tout l’armement en quoi il mettait sa confiance, et il distribue ses dépouilles. Qui n’est pas avec moi est contre moi et qui ne rassemble pas avec moi disperse.” (Luc 11,14-23 TOB)

Événement passé : La Chute des Anges, une installation de Leah Linh

« Qui n’est pas contre vous est pour vous. … Qui n’est pas avec moi est contre moi. »,

… deux énoncés de Jésus qui se retrouvent dans l’évangile selon Luc, chapitres 9 et 11, apparemment contradictoires, mais qui tracent les limites de la tolérance :

ce qui se fait à l’intérieur de la foi et des valeurs qu’elle défend est reçu ;

est récusé ce qui met en péril la foi, conteste son fondement, Jésus Christ lui-même.

Prenons une image : la démocratie supporte tout, sauf la mise en cause de la démocratie et de ses valeurs fondamentales.

Chasser les mauvais esprits, au nom du Christ, quelque soit notre foi, mais pas faire du Christ lui-même un mauvais esprit, donc casser tout lien possible avec lui. La chute.

Je peux être athée, mais pas diaboliser Dieu.

L’installation de Leah Linh nous renvoie au drame d’une rupture avec ce ou celui qui fonde notre foi et donne sens à notre vie. Ange ou démon, qui sommes-nous ?

Cependant, qu’est-ce que verriez-vous dans cette œuvre si titre il n’y avait pas ?

Un ange, qu’est-ce qu’un ange pour vous ?

Armin Kressmann

Événement passé : La Chute des Anges, installation de Leah Linh à Sainte-Claire Vevey

Du 5 septembre au 12 octobre à l’église Sainte-Claire, rue du Collège Vevey

Finissage avec visite guidée en présence de l’artiste Leah Linh, dimanche 12 octobre 14h

Installation monumentale de l’artiste vaudoise Leah Linh, « La Chute des Anges » convoque des matériaux abandonnés à la charge symbolique forte dans une esthétique à la fois brute et poétique. Elle interroge notre quête de sens dans une époque d’instabilités et de crises politiques et écologiques.

Vernissage-concert le vendredi 5 septembre 18h30

Le programme du concert s’articule comme un dialogue entre l’orgue et un trio constitué d’une flûte, d’un saxophone et d’un piano. Il allie répertoire contemporain et baroque, invitant l’auditeur à un voyage sonore hors du temps.

OEuvres de Jean-Sébastien Bach, John Cage, Peter Ablinger et Kevin Juillerat
Flûte : Susanne Peters
Saxophone : Kevin Juillerat
Piano : Gilles Grimaître
Orgue : Vincent Thévenaz

Événement passé : Art et Foi à Sainte-Claire Vevey – Le bien et le mal

Armin Kressmann

Le bien

Le bien, pourquoi ? Parce que le mal, partout.

Le bien, il porte un visage : moi, toi, lui, elle, nous, eux.

Regarde. Le bien, partout.

Et Dieu, le « bon », devant le bien ?

La question du bien est la question de Dieu ; elles sont identiques.

Le bien est en Dieu comme un en Dieu.

Dieu se reflète dans le face à face avec autrui comme personne.

Le bien subi est le bonheur de l’homme.

Le bien commis est le bonheur de Dieu.

Dans le face à face en Jésus Christ Dieu est personne, ultime.

Bienfait à la personne, toute personne, est bienfait à Dieu.

Le bien est personnalisation, « empowerment », subi ou commis.

En Christ, Dieu s’expose au bien.

Dieu vulnérable, « bon ».

Quand le bien prend visage, commis, il est Samaritain, subi blessé.

Le bien radical est Dieu, face à face.

Sur la croix, en Jésus Christ, Dieu manifeste le bien.

Le bien sur le visage du Christ.

Le bien en Dieu comme un en Dieu est désormais bien hors Dieu.

À la foi, la foi du bien vainqueur du mal, et de la mort, notre foi, comment lui donner visage ?

Faire le bien, hors Dieu, et ainsi rendre grâce, à Dieu.

« Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir … »

Le mal

Le mal, pourquoi ? Pourquoi moi, toi, lui, elle, nous, eux ?

Le mal, il porte un visage : moi, toi, lui, elle, nous, eux.

Regarde. Le mal, partout.

Et Dieu, le « tout-puissant », devant le mal ?

La question du mal est la question de Dieu ; elles sont identiques.

Le mal est en Dieu comme un hors Dieu.

Dieu se reflète dans le face à face avec autrui comme personne.

Le mal subi est l’épreuve de l’homme ; c’est l’homme qui est éprouvé.

Le mal commis est l’épreuve de Dieu ; c’est Dieu qui est éprouvé.

Dans le face à face en Jésus Christ Dieu est personne, ultime.

Atteinte à la personne, toute personne, est atteinte à Dieu.

Le mal est dépersonnalisation, subie ou commise.

En Christ, Dieu s’expose au mal commis ; il le subit.

Dieu vulnérable, « impuissant ».

Quand le mal prend visage, commis, il est bourreau, subi victime.

Le mal radical est anéantir autrui face à face.

Sur la croix, en Jésus Christ, Dieu se laisse dépersonnaliser.

Le mal sur le visage du Christ.

Le mal en Dieu comme hors Dieu est désormais mal en Dieu.

Dans le langage de l’Église Dieu prend le mal, notre mal, sur lui.

Le mal, il est ainsi vaincu, croyons-nous, disons-nous.

À la foi, la foi du mal vaincu, notre foi, comment lui donner visage ?

Vaincre le mal, en Dieu.

« Vous avez appris : tu ne commettras pas de meurtre ; celui qu commettra un meurtre en répondra au tribunal. Et moi j vous le dis : quiconque se met en colère contre son frère, sa sœur, en répondra au tribunal ; celui qui dira à son frère, sa sœur : ‘Imbécile’ sera justifiable du Sanhédrin ; celui qui dira : ‘Fou’ sera passible de la géhenne au feu. »